Histoire

 

Depuis le moyen-âge, et pendant plusieurs siècles la tour et le territoire d’Issogne furent un fief dépendant de la mense épiscopale d’Aoste. Les origines de ce fief nous sont encore inconnues.

C’est probablement par hasard que les évêques d’Aoste avaient acquis les droits et les biens dans cette partie est du Diocèse. Si toutefois, il y eut des causes qui déterminèrent le choix d’Issogne, la plus décisive dut être la position toute particulière du lieu. A mi-chemin entre Ivrée et Aoste, séparé par la Doire de la rive gauche de la Vallée, sur laquelle passait l’unique route principale et relié au bord de la Doire baltée par un pont, Issogne offrait une sureté qui n’était pas à dédaigner. L’évêque d’Aoste était souvent astreint à de longs voyages et c’est pour disposer d’un refuge assuré après ses pérégrinations dans la vallée ou lors de ses allées et venues à Turin ou à Rome, que lui fut donnée la maison forte d’Issogne.

Le château d’Issogne est cité pour la première fois dans une bulle pontificale rédigée par Eugène III en 1151, attestant de sa propriété à l’évêque d’Aoste. Des fouilles ont démontré que, le site avait été le siège d’une villa romaine dès le Ier siècle av. J.-C.

Il existe très peu de documents qui nous rappellent les vicissitudes du château sous les évêques d’Aoste. Un gros volume in-douze de 1270 enregistre la déclaration faite par divers particuliers des biens situés sur le territoire d’Issogne et érigés en fief par la mense épiscopale d’Aoste. Durant les années 1281,1308, 1309, et 1316 existent des compromis et des réclamations de l’évêque d’Aoste auprès du seigneur Rodolphes de Verrès au sujet de la juridiction et seigneurie d’Issogne. Le 25 février 1334, le seigneur Aymonet de Verrès fait un acte de remise, entre les mains du châtelain de Barol pour le comte Aymon de Savoie de la maison forte d’Issogne jusqu’à conclusion des différents existants avec l’évêque d’Aoste.

Château de Châtillon, vue de la façade ouest.

Château d'Issogne. Vue de la tour primitive datant du XIIe siècle

Le 8 mars 1334, le comte Aymon de Savoie enjoint à son bailli ou gouverneur de la vallée d’Aoste d’obliger les seigneurs de Verrès à la restitution du manoir d’Issogne, dont ils s’étaient emparés par la force, à l’évêque d’Aoste sous peine d’être déclarés rebelles.
Après plusieurs vicissitudes et alternatives, le château fut cédé en 1379 par l’évêque d’Aoste d’alors, Mgr Jacques Ferrandin, à Iblet de Challant, déjà seigneur de la forteresse de Verres.
Le château d’Issogne fut définitivement acquis en 1399 par Iblet qui n’était pas satisfait de la construction du château de Verrès et entreprit d’importants travaux d’agrandissement du château épiscopal.
En 1409, à la mort d’Iblet, le fief d’Issogne passa à son fils François, qui obtint en 1424 le titre de Premier Comte de Challant de la part de la Maison de Savoie.

Château de Châtillon. Portrait d'Iblet de Challant.

Portrait d'Iblet de Challant (né vers 1330 - Verrès le 21 septembre 1409)

En 1442, à la mort de François resté sans héritiers mâles, le château passa par testament à ses deux filles Marguerite et Catherine. Bien que le père eut obtenu l’autorisation ducale, les cousins attaquèrent le testament (la succession féminine était contraire aux usages) et, en 1456, les prétendants eurent gain de cause. Jacques de Challant, de la branche d’Aymavilles, devint dès lors le nouveau Comte d’Issogne.

Vers 1480, Louis de Challant, fils du comte Jacques, reprit le château et fit de nombreux travaux de rénovation. Après lui, Georges de Challant, prieur de Saint Ours, grand mécène, voulut, entre 1487 et 1509, célébrer dans cet édifice la grandeur de sa famille. On lui doit le fastueux appareil décoratif qui enrichit les bâtiments et la cour.
A cette époque, le château hébergea des personnalités illustres, telles que le duc Sigismond d'Allemagne, lors d’un voyage de retour dans ses terres en 1414, et le roi Charles VIII en 1496.
En 1509, à la mort de Georges, après la fin des travaux de restauration, Philibert devint le nouveau seigneur d’Issogne. Il utilisa le château comme résidence personnelle, avec son épouse Louise d’Aarberg et son fils René. C'est sous ce dernier que le château atteignit sa plus grande splendeur, devenant siège d’une cour riche et raffinée.

Château de Châtillon. Fresques de la salle des archives, début XVe siècle.

Fresque dans la cour du château représentant les armoiries de la famille de Challant.

Malheureusement, René n’ayant pas eu d’héritier male, ses propriétés passèrent après lui à Jean-Frédéric Madruzzo, de la grande famille de Trente, époux de sa fille Isabelle, suscitant dès lors un nouveau conflit de succession, entre les Madruzzo et les Challant. Ce conflit dura plus d’un siècle. Le château passa entre les mains de plusieurs familles (Madruzzo, et ensuite Lenoncourt, et enfin à Christine-Maurice del Carretto di Balestrina). Le conflit se résolut en 1696, et Christine-Maurice del Carretto dut rendre Issogne à la Maison de Challant. Mais malgré ces vicissitudes, l’édifice, prestigieux et emblématique, ne fut jamais totalement abandonné, ce qui le sauva de la ruine.
A la mort du dernier comte de Challant en 1802, et donc à l‘extinction de la famille, le château, déjà en état d'abandon depuis des années, connût une ultérieure période de décadence, où il fut, entre autres, dépouillé de son ameublement et de ses décors.

Château de Châtillon. Portrait de Jacques de Challant.Château de Châtillon. Portrait de Philibert de Challant.Château de Châtillon. Portrait de René de Challant.

Portraits des grands personnages de la famille de Challant.

Château de Châtillon. Décor baroque du grand salon..

Fresque représentant les armoiries de la famille de Challant dans le vestibule au rez-de-chaussée du château.

 

Le propriétaire du château fut jusqu'à 1841 Gabrielle de Canalis de Cumiana, veuve de François-Maurice-Grégoire, dernier des Challant. À sa mort, il passa à son second mari, Aimé Passerin d'Entrèves, et, désormais privé de droits seigneuriaux, il fut vendu ensuite à Alexandre Gaspard, de Châtillon, puis au baron Marius de Vautheleret.

En 1872, le baron Marius de Vautheleret, fut obligé de vendre le château aux enchères. Acheté par le peintre turinois Victor Avondo, qui s'occupa de sa restauration et de la récupération de l'ameublement original ou de copies, il fut ensuite cédé à l'état italien, en 1907, et enfin acquis en 1948 par la région autonome Vallée d'Aoste.
Actuellement, le château appartient à l’Administration Régionale, il est géré par le ministère des Beaux-arts et plus récemment par l'entretien attribué au Conseil Régional de la vallée.


Restauration

Iblet de Challant commença les travaux de restauration et transforma la maison-forte en un élégant château de style gothique courtois, avec une série de tours et de bâtiments à l'intérieur d'une enceinte. Les travaux effectués par Iblet sont aujourd'hui difficilement identifiables.

Le château, après ces importantes interventions devait surpasser celui de Verrès.

Vers 1480, Louis de Challant, fils du comte Jacques, ordonna de nouveaux travaux de restauration, dont la plupart furent supervisés par le prieur Georges de Challant Varey. Il rénova complètement l'aspect, la transformant en un palais raffiné de la Renaissance. Il ordonna alors la construction de nouveaux bâtiments de liaison entre ceux qui existaient déjà, en créant ainsi un palais en forme de fer-à-cheval autour d'une cour. De nombreuses pièces reçurent de nouveaux plafonds et la chapelle fut reconstruite. C'est à cette époque que remontent les décorations des arcades et la fameuse fontaine du grenadier. Cependant, si par ces interventions la résidence devint uniforme et rationnelle, en ligne avec les demeures royales de l'Europe moyenne, c'est dans les décorations intérieures que le château atteignit un raffinement particulier.

Enfin, Victor Avondo, exécuta soigneusement la restauration du château au cours du XIXe siècle. Des interventions de restauration sont faites régulièrement (toit, sécurité, protection...) par la région afin de rendre ce monument le plus accessible et le plus agréable possible pour les milliers de visiteurs qui s'y pressent chaque année.